Playlists de bals : entre tradition et supermarché de la danse
Autrefois, au temps des premiers bals country & line dance, il n'y avait pas de playlists officielles.
On venait pour danser, partager, rencontrer. Les orchestres jouaient leurs morceaux, les DJs improvisaient, et chacun trouvait son plaisir dans la spontanéité du moment. Le bal n'était pas une liste à cocher : c'était une rencontre humaine et musicale.
L'ère du "supermarché de la danse"
Aujourd'hui, une partie des bals ressemble davantage à un supermarché de la danse :
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des playlists interminables, parfois 70 ou 80 chorégraphies,
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des danseurs qui comptent, non pas les sourires, mais le nombre de danses "validées",
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et des organisateurs qui cèdent à une logique de performance plutôt qu'à une logique de plaisir.
Certains arrivent presque avec leur "caddie", prêts à "consommer" la danse comme un produit, oubliant que derrière chaque bal il y a des bénévoles, des associations, du travail et du cœur.
La guéguerre des bals : quand la convivialité se perd
À force de vouloir remplir les salles à tout prix, une forme de compétition stérile s'installe.
La guéguerre du "qui aura le plus de monde" fait rage, parfois au mépris des autres associations :
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Des soirées programmées sur les mêmes dates,
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Des playlists qui se copient presque mot pour mot,
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Des attitudes qui frôlent le boycott et sapent le travail d'autrui.
Résultat ?
Les petites associations, qui organisent ponctuellement un bal pour offrir une respiration à leurs adhérents, sont parfois contraintes d'annuler. Elles savent qu'elles ne pourront pas rivaliser face à des structures plus massives qui organisent régulièrement. Et ainsi, on perd peu à peu la diversité, la richesse et la chaleur de notre tissu associatif.
A- La dérive du jugement : "trop moderne, trop ci, trop ça"
Chez Line Dance Attitude, nous le vivons aussi.
Parce que nous proposons une playlist mixte, ouverte, parce que nous laissons une place aux danses modernes sans renier les fondamentaux, certains nous cataloguent aussitôt : "trop moderne", "pas assez country", "trop ci, trop là".
Résultat : certains clubs choisissent de ne pas venir, non pas parce qu'ils ne trouveraient pas leur place sur la piste , nous proposons toujours un espace pour les danses à la demande mais par a priori.
La danse devient alors un étendard identitaire, au lieu d'être ce qu'elle a toujours été : un espace d'ouverture.
B La dérive du jugement (suite) : le donnant-donnant qui divise
Un autre phénomène s'installe : celui du donnant-donnant systématique.
Aujourd'hui, quand on arrive dans un bal, la première question n'est parfois plus « Quelle danse te plaît ? » mais « Tu viens de quel club ? ». Et cette réponse est notée, presque comme sur un registre officieux.
Derrière, s'installe une logique de calcul :
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« Un tel est venu chez nous, alors on ira chez lui. »
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« Tel club n'est pas venu à nos cinq bals cette année, alors on boycotte les siens. »
Ce climat de représailles déguisées devient malsain. On se retrouve catalogués, critiqués, parfois même sanctionnés, sans que personne ne cherche à comprendre les vraies raisons : manque de disponibilité, contraintes personnelles, calendrier surchargé…
Pire encore, certains responsables vont jusqu'à inciter leurs élèves à ne pas participer aux bals des clubs "absents".
➡️ C'est une mentalité destructrice.
À titre personnel, j'ai toujours fait l'inverse : si je ne peux pas participer moi-même à un bal, j'encourage mes fondants à y aller, à découvrir d'autres ambiances, d'autres playlists, d'autres façons de faire. Parce que la danse, c'est ouverture, pas enfermement.
Quand la danse devient monnaie d'échange
Réduire la participation aux bals à une sorte de troc « je viens chez toi seulement si tu viens chez moi » , c'est transformer la danse en monnaie d'échange.
On quitte alors l'esprit de convivialité pour entrer dans une logique de calcul qui empoisonne la communauté.
Pour une éthique collective
Nous devrions au contraire cultiver :
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La promotion croisée : parler des bals des autres clubs dans nos cours.
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La liberté individuelle : chacun choisit ses sorties sans pression.
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La bienveillance : accepter que l'on ne peut pas être partout, tout le temps.
Danser ensemble ne devrait jamais dépendre d'une feuille de présence.
Conclusion renforcée
Le jour où nous comprendrons que la richesse de notre milieu ne se mesure ni au nombre de danses dans une playlist, ni au nombre de présidents présents dans une salle, mais à la qualité de nos liens humains, nous aurons retrouvé l'essence de la Line Dance.
Parce qu'au fond, la danse n'est pas un commerce de présences.
C'est une invitation libre, généreuse et joyeuse.

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